Monsieur le Président de la République,
Nous nous adressons à vous avec gravé dans nos cœurs une profonde inquiétude et un sentiment d’injustice face à la décision de l’État et des collectivités locales de retirer leur soutien au Lycée al Kindi. Cette décision, aux conséquences dévastatrices pour l’avenir de nombreux jeunes, menace gravement la pérennisation de cet établissement d’excellence et soulève des interrogations sur les principes d’égalité et de justice républicaine.
Le Lycée al Kindi est bien plus qu’un simple établissement scolaire. Depuis sa création, il s’est imposé comme un modèle d’excellence, offrant à ses élèves un cadre propice à la réussite grâce à un enseignement de qualité et une pédagogie rigoureuse. Les résultats exceptionnels obtenus par ses élèves au baccalauréat en témoignent. Ces jeunes, animés par la volonté de sortir de la médiocrité, aspirent à contribuer pleinement à la société française et à en être des acteurs engagés et responsables.
Monsieur le Président, en prenant cette décision, l’État prive 627 élèves et leurs familles d’une opportunité unique de réalisation personnelle et professionnelle. Beaucoup de parents, pour des raisons économiques, seront contraints de déplacer leurs enfants vers d’autres établissements de l’agglomération, au prix de sacrifices qui auraient pu être évités. Cette décision est perçue comme une profonde injustice, et suscite un émoi grandissant au sein de la communauté.
Nous ne pouvons nous empêcher de souligner qu’une situation semblable, touchant le lycée Stanislas à Paris, a connu un dénouement bien différent, grâce à une intervention résolue des autorités pour en garantir la pérennité. Une telle disparité de traitement ne peut que soulever des interrogations légitimes sur l’égalité de traitement entre les citoyens et les institutions de notre pays.
En ces temps où notre pays traverse des difficultés majeures, la France a besoin de tous ses enfants, quelles que soient leur religion ou leur origine. Il est important de se rappeler que les milliers d’aïeux de ces jeunes sont venus mourir pour ce pays. Leurs tombes jalonnent encore les champs de bataille du Chemin des Dames, de Verdun ou de Douaumont, où ils reposent par milliers. Cette mémoire collective devrait nous rappeler la dette que nous avons envers ceux qui ont tout sacrifié pour que la France reste debout.
Nous souhaitons également rappeler que les musulmans de France ont été, eux aussi, les grandes victimes des actes de terrorisme qui ont frappé notre pays. Des musulmans ont péri sous les balles de Mohamed Merah, des frères Kouachi ou lors des terribles attentats du Bataclan et de Nice. Ces attaques ont endeuillé toutes les communautés et ont prouvé, si besoin était, que le terrorisme frappe sans distinction, semant la douleur et la dévastation parmi tous les citoyens. Pourtant, depuis ces tragédies, des mesures spécifiques et des déclarations politiques ont eu pour effet de mettre en permanence la communauté musulmane dans le « viseur ». Pourquoi les musulmans de France devraient-ils aujourd’hui subir les conséquences des actes de ces terroristes ?
Nous vous rappelons avec respect que les musulmans de France sont des citoyens à part entière, engagés pour le bien commun et fidèles aux valeurs républicaines. Pourtant, les mesures prises à l’encontre du Lycée al Kindi ne semblent pas refléter ces principes fondamentaux, séparant ainsi une partie de nos concitoyens de la promesse d’égalité qui fonde notre République.
Monsieur le Président, vous êtes le recours ultime lorsque le droit est bafoué et lorsqu’une partie des citoyens de ce pays est injustement maltraitée. Nous vous sollicitons avec insistance pour que vous usiez de votre autorité et de votre responsabilité de garant des institutions afin de réexaminer cette situation. Permettre au Lycée al Kindi de poursuivre sa mission éducative serait un geste fort pour réaffirmer les principes d’équité et de justice qui doivent prévaloir dans notre pays.
Nous sommes convaincus, Monsieur le Président, que vous saurez entendre cet appel et agir dans l’intérêt de la jeunesse et de l’avenir de notre pays.
Avec l’expression de notre profond respect,
Lyon le 19 janvier 2025
Kamel KABTANE
Recteur de la Grande Mosquée de Lyon
Président du Conseil des Mosquées du Rhône