Le vendredi 25 avril 2025, notre frère Aboubakar Cissé a été lâchement assassiné à coups de couteau dans la mosquée de La Grand-Combe, comme il en avait l’habitude chaque vendredi. Ce crime ignoble, un assassinat islamophobe, nous glace. Il nous rappelle, de façon brutale, que la haine de l’islam et des musulmans tue.
Comme l’a dit le recteur Kamel Kabtane, « Aujourd’hui, les musulmans sont seuls ». Cette solitude, nous la ressentons face à un climat où les paroles politiques et médiatiques ciblent sans relâche les musulmans, réduits à des symboles à suspecter, à surveiller, à faire taire.
Mais l’Islam ne nous a jamais appris à courber l’échine face à l’injustice.
Un devoir de résistance face à l’injustice
Le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui) a dit :
« Le plus noble des efforts est la personne qui se dresse face à un tyran, lui ordonne le bien, lui interdit le mal, et se fait combattre pour cela. » (Hadith rapporté par al-Hakim)
La foi musulmane ne sépare pas la spiritualité de l’engagement pour la justice. Le Coran nous ordonne :
« Soyez fermes pour la justice, témoins devant Dieu, même contre vous-mêmes, vos parents ou vos proches. » (Sourate 4, verset 135)
Lorsque Bilal ibn Rabah (qu’Allah l’agrée), l’esclave éthiopien devenu musulman, fut persécuté à La Mecque, il répétait malgré les tortures : « Ahad, Ahad » – « Un, Un (Allah) ». Et quand le Prophète (saws) conquit La Mecque, il choisit Bilal pour monter sur la Kaaba et appeler à la prière, défiant tous les ordres sociaux et racistes d’alors. L’honneur de Bilal était restauré par l’islam et par la justice divine.
Aboubakar Cissé, homme simple et discret, tombé sous les coups de la haine alors qu’il servait sa mosquée, incarne cette dignité silencieuse des croyants. Son meurtre, parce que musulman, nous interpelle : que faisons-nous face à l’injustice qui s’installe ?
Nommer l’islamophobie, c’est résister
Comme le rappelle Rachid Azizi dans son texte « Nommer l’islamophobie, c’est refuser l’aveuglement », refuser de nommer le mal, c’est le laisser croître. Le Prophète (saws) nous enseignait :
« Quand les gens voient l’injuste et ne le retiennent pas par la main, il se peut qu’Allah leur inflige à tous un châtiment. » (Abu Dawud, hadith 4339)
Umar ibn al-Khattab (ra), le deuxième calife, a dit : « Depuis quand as-tu asservi les gens alors qu’ils sont nés libres ? » en interpellant le fils de l’un ses gouverneurs qui avait frappé un copte injustement. Même au sommet du pouvoir, les compagnons rappelaient que personne n’avait le droit d’opprimer.
Aujourd’hui, l’injustice ne se manifeste pas seulement par les coups de couteau, mais aussi par les lois discriminatoires, les exclusions silencieuses, les discours déshumanisants. On interdit à des jeunes femmes voilées de pratiquer du sport. On pousse des enfants musulmans à se justifier à l’école. On refuse un emploi à cause d’un prénom, ou d’une marque sur le front.
Les enseignements du Prophète face à la haine
Lorsque le Prophète fut insulté, rejeté, frappé à Taïf, les anges lui offrirent de détruire la ville. Mais il refusa, espérant qu’un jour une descendance croirait, que les gens changeraient et il leur a laissé une chance malgré tout le mal qu’ils lui avaient fait. Sa réponse n’a pas été la haine, mais la constance, la prière et la réforme.
Quand Sumayyah bint Khayyat, première martyre de l’islam, fut tuée par Abou Jahl, le Prophète n’oublia jamais son sacrifice. Son exemple reste vivant pour tous les croyants.
Notre responsabilité collective
Nous ne pouvons pas rester passifs. Le Prophète (saws) a dit :
« Quiconque d’entre vous voit une injustice, qu’il la change par sa main. S’il ne peut pas, alors par sa langue. Et s’il ne peut pas, alors par son cœur, et cela est le plus faible degré de la foi. » (Muslim, hadith 49)
Alors que faire aujourd’hui ? Voici quelques pistes concrètes d’action :
Éduquer : Organiser des ateliers sur nos droits, la lutte contre l’islamophobie, et l’histoire de la présence musulmane en France.
Mobiliser : Participer aux campagnes contre la haine, signer les pétitions, soutenir les associations engagées.
Témoigner : Ne pas laisser passer les propos islamophobes, même dans notre entourage, même en privé. En parler. Témoigner.
Exiger : Demander à nos élus une loi contre l’islamophobie, un débat national sur la place de l’islam en France, et la reconnaissance de notre rôle dans l’histoire du pays.
S’engager : Encourager nos jeunes à s’impliquer dans les métiers du droit, des médias, de l’éducation, pour porter une voix juste et représentative.
Conclusion : être les héritiers de la justice prophétique
Le Prophète (saws) a dit :
« Le musulman est le frère du musulman. Il ne l’opprime pas, il ne l’abandonne pas. » (Bukhari et Muslim)
Aujourd’hui, notre frère Aboubakar a été abandonné par une partie de notre société. Mais ne l’abandonnons pas dans notre mémoire. Ne l’abandonnons pas en restant inactifs.
Qu’Allah accepte son martyre. Qu’Il nous donne la force d’être des porteurs de justice, de dignité et de lumière, comme les premiers musulmans. Et qu’Il nous préserve de la lâcheté et de l’indifférence.

